Les programmes du Concert Brisé
Cliquez sur les titres des programmes pour dérouler les informations détaillées.
« Le chant des oiseaux ou l'esprit de la diminution »
Le Programme
Les musiciens
Clavecin - orgue - harpe : Carsten Lohff
Clavecin - orgue : Anne-Catherine Bucher
Cornets à bouquin - flûte : William Dongois
Les ornements et les accents se font en brisant et rompant les notes, en ajoutant une quantité de notes qui ont nature d’être plus rapidement exécutées. Ils donnent tant de plaisir et de délectation, qu’on dirait entendre un grand nombre d’oiseaux dressés, qui, de leur chant, nous ravissent le cœur et nous laissent tout émus. Lodovico Zacconi, Prattica di Musica, 1596.
La « diminution » consiste à fractionner la durée d’une note en jouant plus de notes que le support musical n’en comporte. C’est une pratique partagée par toutes les musiques savantes, populaires, écrites ou orales. Elle est un des aspects de l’ornementation. Elle ne prend son sens que si l’on considère que la musique, écrite ou non, est une sorte de squelette dont elle est le vêtement et l’ornement. Cette pratique est abondamment décrite de la Renaissance à la fin de l’ère baroque, dans tous les pays d’Europe. La plupart des exécutants diminuaient, ornaient et improvisaient sur les partitions qu’ils lisaient ou connaissaient pas cœur. Dans les années 1500, ce squelette qu’était la partition de musique polyphonique était considéré comme parfait en soi car il exprimait la perfection du monde des nombres, par le biais du des proportions rythmiques et des règles du contrepoint. Les diminutions et les ornements étaient destinés à «embellir ce corps musical». Cette pratique « ordinaire », normale et normative a eu, virtuosité oblige, son côté « extraordinaire ». Mais la diminution, absente de la partition, semble être encore plus: elle serait un élément essentiel de l’œuvre musicale même et révèlerait son essence. Marin Mersenne, comme Zacconi, compare la diminution (bien conçue et bien exécutée) au chant des oiseaux :
« Mais de toutes les Nations qui apprennent à chanter, et qui font les passages de la gorge, les Italiens mesme qui font une particuliere profession de la Musique, et des recits, avoüent que les François font le mieux les passages, dont il n’est pas possible d’expliquer la beauté et la douceur, si l’oreille ne les oit, car le gazoüil ou le murmure des eaux, et le chant des rossignols n’est pas si agreable; et ie ne trouve rien dans la nature, dont le rapport nous puisse faire comprendre ces passages, qui font plus ravissans que les fredons, car ils sont la quinte-essence de la Musique. » [C’est moi qui souligne] Marin Mersenne, Harmonie universelle, Livre second des chants, p. 40.
La diminution, d’essence vocale, n’est l’apanage ni de la voix, ni d’aucun instrument. Marin Mersenne attend aussi des cornettistes qu’ils maitrisent cet art et ce, dans l’exécution de la musique, de manière quasi continue :
« Et parce que cet instrument [le cornet] doit sonner la Musique presque toute en diminution, il est nécessaire que celuy qui veut apprendre à en ioiier, sçache composer, & qu’il soit bon Musicien, afin qu’il fasse, les fredóns & les diminutions bien à propos ». Marin Mersenne, Harmonie Universelle, Paris, 1636, Livre cinquiesme des instruments, p. 275.
William Dongois
Conception de la page programmes Françoise Burri